France : quand les humoristes féminines brisent les tabous sur scène

Longtemps spectatrices de la narration de leur condition de femmes, les humoristes sont désormais de plus en plus à l’initiative sur de nombreux sujets liés à cette réalité, quitte à braver les qu’en-dira-t-on.

« Est-ce que vous aussi, vous savez le soir, quand vous enlevez votre culotte, vous n’êtes jamais confiantes quant à ce que vous pouvez retrouver dedans ? ».

En marge de son spectacle du 30 avril dans le cadre de Montreux Comedy, le festival international de comédie organisé chaque année dans la ville suisse, Tania Dutel s’attaque avec franchise et autodérision à un sujet bien connu des femmes : les sécrétions vaginales.

« Je parle des pertes blanches hein. Si jamais il y en a qui disaient : ‘Daniel, écoute. Elle va parler de tes traces de pneus’. Non. Les pertes blanches, moi ça me met mal à l’aise. À chaque fois que je suis avec quelqu’un pour la première fois et que la personne veut enlever ma culotte, je suis là : ‘Non mais je vais le faire moi-même’ », s’autorise même la comédienne de 35 ans.

Un moment de confession intime de l’artiste à son public, bien au-delà de ce que l’on aurait pu s’attendre il y a encore quelques années à peine.

Héritières assumées de Blanche Gardin

C’est qu’une nouvelle génération de stand-upeuses trentenaires s’affranchit désormais des derniers tabous, dans une véritable vague libératrice déferlant sur les scènes d’humour françaises.

Ces femmes à la gouaille tranchante que le journal Le Monde présente comme héritières assumées de Blanche Gardin – du nom de cette figure emblématique de la scène humoristique féminine en France grâce à son talent et son parler cru – transforment leurs expériences les plus intimes en matériau comique.

L’anatomie féminine, « dans ses moindres détails », comme le relève le quotidien du soir, s’invite ainsi au cœur de ces seules-en-scène humoristiques.

« J’ai toujours parlé de sexualité dans mes spectacles. Juste de tenir le micro, ça me fait penser à l’after », confie au Monde Dutel, qui constate « de plus en plus d’hommes ».

Du gynéco à la maternité

« Ils sont un peu comme des petites souris dans une soirée de meufs et apprennent ce que vivent les femmes, ça rassemble », se réjouit-elle. Amandine Lourdel, 36 ans et par ailleurs chroniqueuse sur France Inter, évoque ainsi avec une rare désopilance, ses séances chez le gynécologue.

« Ce n’est pas tous les jours que je me prends un doigt de quelqu’un qui a fait autant d’études« , indique celle que Le Monde présente comme une « nouvelle venue prometteuse ».

Le corps féminin dans ses diverses ramifications est un territoire fréquemment exploré par ces humoristes à qui les dynamiques sociales n’échappent guère. Comme l’a justement analysé l’historienne spécialiste de l’histoire des sensibilités, Sabine Melchior-Bonnet dans son essai « Le Rire des femmes » (PUF, 2021), cette conquête féminine de l’humour est comparable à une libération du corps.

« Les femmes gagnent le pouvoir de jouer avec les mots, mais aussi avec leur corps et leur visage ; le pouvoir surtout de dire comiquement le monde d’un point de vue féminin.

Jubilatoire, corrosif et démystificateur, le rire féminin balaye tout sur son passage« , tranche-t-elle, évoquant le passage du rire d’une activité autrefois incompatible avec la féminité à une arme de liberté et de subversion.

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