Des chercheurs de l’Université du Colorado à Boulder ont authentifié des textes inédits de deux tragédies perdues d’Euripide, auteur grec du Ve siècle avant J.C. Découvertes par un archéologue égyptien, ces œuvres méconnues sont Polyidus et Ino, qui revisitent les canons de la tragédie grecque.
Des chercheurs de l’Université du Colorado à Boulder ont authentifié des textes inédits de deux tragédies perdues d’Euripide, auteur grec du Ve siècle avant J.C. Selon des spécialistes, ces fragments constituent certainement la découverte la plus importante dans le domaine depuis les années 1960.
Les textes d’Euripide retrouvés sur un site près du Caire
Tout a commencé l’année dernière. Yvona Trnka-Amrhein, professeure adjointe dans le département des Lettres classiques de l’Université du Colorado, a reçu en novembre un papyrus de la part de Bassem Gehad, un ami archéologue au ministère égyptien du Tourisme et des Antiquités. Avec ce dernier, elle a également mis au jour récemment, à Hermopolis Magna, une statue colossale de Ramsès II.
Bassem Gehad a précisé à la chercheuse américaine que le papyrus date du IIIe siècle après J.C., période de l’Égypte post-hellenistique, et qu’il l’a été découvert sur le site d’ancienne Égypte, Philadelphie, situé à une centaine de kilomètres au sud-ouest du Caire. Yvona Trnka-Amrhein a reçu des photographies de manuscrits puisque la loi égyptienne interdit l’exportation physique d’artefacts.
80 % du contenu totalement nouveau
Face au travail colossal qui se présentait à elle, la professeure a demandé l’aide du célèbre professeur de classiques John Gibert. Tous deux ont étudié méticuleusement, pendant plusieurs mois, une photo haute résolution du papyrus de 26 cm² comprenant 98 lignes. Ils ont déchiffré les mots et ont pris soin de vérifier que ce qu’ils croyaient voir correspondaient aux normes du style et du mètre des œuvres tragiques grecques.
En utilisant le Thesaurus Linguae Graecae, une base de données de textes grecs anciens de l’Université de Californie à Irvine, Trnka-Amrhein et John Gibert ont confirmé qu’ils examinaient bel et bien des extraits jusqu’alors inconnus de pièces euripidiennes pour la plupart perdues. Ils ont pu identifier 80 % de contenu inédit, et 22 lignes déjà connues, mais présentées dans des versions légèrement modifiées.
Polyidus et Ino, les deux œuvres d’Euripide contenus dans ce papyrus
Ces lignes renvoyaient en fait à deux œuvres méconnues d’Euripide : Polyidus et Ino. La première pièce, Polyidus, revisite un mythe crétois. Dans ce dernier, le roi Minos et la reine Pasiphaé chargent un voyant éponyme de ressusciter leur fils Glaucus, noyé dans une cuve de miel. Polyidus utilise une herbe pour ramener le garçon à la vie. Contrairement à la plupart des tragédies d’Euripide, celle-ci se termine assez bien car tout le monde ne meurt pas.
Trnka-Amrhein confie également que ce papyrus, qui mesure 10,5 pouces carrés (67,7 centimètres carrés), inclut une scène de débat entre Minos et Polyidus sur la moralité de la résurrection. Pour ce qui concerne Ino, le fragment redéfinit le rôle du personnage éponyme de la mythologie, traditionnellement perçu comme une belle-mère maléfique. Dans cette nouvelle version, une autre femme, la troisième épouse du roi, endosse le rôle de méchante belle-mère.
Euripide aurait écrit près de 100 pièces, mais on en connait que 18
Cette intrigue finit tragiquement puisque la belle-mère tue ses propres enfants (au lieu de ceux d’Ino) et se suicide. Yvona Trnka-Amrhein souligne qu’il s’agit d’une « tragédie plus traditionnelle » avec « mort, chaos, suicide ». Une partie de ce texte était déjà connu. Elle était inscrite sur des falaises d’Arménie, mais a été détruite lors d’un conflit. Heureusement, des savants russes du début du XXe siècle avaient préservé des images sous forme de dessins.
Pour rappel, Euripide est l’un des trois grands tragédiens de la Grèce antique, aux côtés d’Eschyle et de Sophocle. Né autour de 480 avant J.-C. sur l’île de Salamine et mort en 406 avant J.-C. en Macédoine, il aurait écrit environ 92 pièces. Mais seulement une fraction a été mis à jour. Au total, nous connaissons aujourd’hui 18 tragédies et un drame satyrique de cet auteur. Parmi ses œuvres les plus célèbres on trouve Médée, Les Bacchantes, Hélène, et Les Troyennes.
Présentation des conclusions de l’étude le 14 septembre prochain
Mais il n’y a pas que les œuvres d’Euripide qu’on le monde a perdues. Nous ne posséderions qu’entre 1 et 10% de la production littéraire de l’Antiquité grecque. Le reste a été détruit (avec le temps ou par des guerres) ou pas encore découvert. Trnka-Amrhein et John Gibert présenteront les conclusions de leur étude lors du Neuvième Symposium Fountain, le 14 septembre prochain, sur le campus de CU Boulder. Il y aura des interventions de spécialistes renommés et des échanges avec le public.