Une exposition met en lumière les violentes manifestations qui ont précédé le récent changement de régime sénégalais. Trois années de contestation, marquées par le sang et les larmes, qui ont bouleversé ce pays réputé pour sa stabilité démocratique.
Dans les couloirs du Musée des Civilisations noires de Dakar (MCN), une exposition confronte le Sénégal à son passé récent depuis quelques semaines et jusqu’au 31 octobre prochain. Elle évoque l’une des périodes les plus troubles de ce pays d’Afrique de l’Ouest.
Il s’agit de trois années de tensions politiques exacerbées ayant opposé le pouvoir de l’ancien président Macky Sall à son opposition menée par Les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) de l’ancien député Ousmane Sonko.
Si ce dernier est aujourd’hui Premier ministre suite à l’élection de son compagnon de parti Bassirou Diomaye Faye en remplacement de Macky Sall, cette alternance s’est faite au prix du sang. De nombreuses victimes (au moins soixantaine) sont en effet tombées sous les balles en défendant l’idéal démocratique face aux velléités de confiscation du pouvoir de l’ex-chef de l’État.
C’est cette tragédie humaine, ces vies brisées, que le photographe Abdou Karim Ndoye devenu photographe officiel de l’actuel président, retrace à travers son œuvre intitulée « Première ligne ».
La mémoire visuelle d’une résistance populaire
Les photographies capturent l’intensité de ces moments où l’histoire bascule, où une nation entière se soulève pour défendre ses idéaux démocratiques, comme ce pays l’a déjà expérimenté en 2012 avant l’arrivée au pouvoir de Macky Sall.
Mais le bilan macabre autrement plus important cette fois illustre l’ampleur des manifestations et le clivage que celles-ci ont généré entre les différentes franges de la population.
« Ça me rappelle des moments très très difficiles que nous avons vécus ici au Sénégal. Plus jamais ça. C’était très difficile, j’en ai les larmes aux yeux actuellement », témoigne auprès de RFI, Fodé Mané, un professeur venu en visite avec ses élèves.
« Je regardais tout à travers la télé et les informations. J’étais très choqué… C’était au moment du confinement. C’était très stressant », confie pour sa part Alioune Diagne, qui se trouvait en France au moment des faits.
Un art engagé au service de la vérité historique
L’approche d’Abdou Karim Ndoye dépasse le simple documentaire journalistique. Il s’agit de faire œuvre utile afin que personne n’ignore le sacrifice ayant abouti à la troisième alternance démocratique du Sénégal.
Il est ainsi prévu l’inscription des noms de chacune des victimes sur un mur spécialement dédié. En attendant, l’auteur s’attelle à faire de la pédagogie aux visiteurs à propos de ses œuvres.
« Ce sont des gens qui étaient prêts, déterminés à se battre coûte que coûte, au péril de leur vie », dit-il en référence à une image de mai 2023, montrant des jeunes faisant barrage contre les forces de police afin de protéger Ousmane Sonko devant son domicile.