Spirou dans la tourmente

Le dernier numéro de la bande dessinée franco-belge a dû être retiré de la vente après des accusations de racisme.

Plus d’un an après sa sortie, « Spirou et la Gorgone bleue », dernier opus de la collection « Vu par » de la célèbre bande dessinée (BD) Spirou, est rattrapé par la polémique. Au point de faire désormais l’objet d’un retrait pur et simple des librairies.

« Nous sommes profondément désolés si cet album a pu choquer et blesser. Cet album s’inscrit dans un style de représentation caricatural hérité d’une autre époque« , indique Dupuis, l’éditeur, le 31 octobre dernier, dans un message publié sur X.

« Plus que jamais conscients de notre devoir moral et de l’importance que représente la bande dessinée (…) Nous prenons en ce jour la pleine responsabilité de cette erreur d’appréciation », poursuit-il, annonçant « le retrait de l’ouvrage de l’ensemble des points de vente« .

À l’origine de cette décision pour le moins radicale, figure une gronde d’ampleur débutée quelques jours plus tôt, de la part d’internautes sur les réseaux sociaux à propos de la Gorgone bleue, album de l’univers Spirou écrit par Yann et dessiné par Dany, deux figures de la BD franco-belge des années 1970 et 1980.

Une représentation qui fait débat

Le numéro dont la couverture présente une scène d’action dans un décor assez militarisé, a notamment suscité la controverse pour ses illustrations jugées racistes et offensants : traits faciaux de personnages noirs exagérés de manière stéréotypée et plus généralement, un traitement visuel déshumanisant.

De quoi rappeler les représentations coloniales les plus contestables ayant eu cours dans les médias occidentaux notamment, jusqu’au siècle dernier. Une réplique en particulier a cristallisé les critiques : « Ça ne va pas être facile de les intégrer, ces deux-là« , prononcée par un personnage noir représenté de manière stéréotypée.

La BD est également accusée de sexisme à travers sa représentation des femmes. « Je suis évidemment d’accord, mais ne faites pas semblant de découvrir Dany maintenant, par pitié.  Il dessine des filles à poil depuis 60 ans, et si vous ne vous êtes pas insurgés plus tôt, c’est pour les mêmes raisons que lui« , a réagi un internaute face au tollé.

Le dilemme des éditeurs

Cette prise de position est partagée par Seumboy, créateur et animateur du site de vulgarisation de l’histoire coloniale « Histoires crépues ».

Celui-ci estime en effet auprès de Jeune Afrique, « qu’il ne s’agit pas d’une erreur de jeunesse » de la part du dessinateur, qui confessait déjà en septembre 2023, dans la foulée de la parution de la BD, dans une interview avec le site Les Amis de la BD, avoir « dû refaire à la marge le dessin de certains hommes noirs qui, c’est vrai, pouvaient paraître un peu trop caricaturaux ».

Cette affaire soulève des questions plus larges sur la responsabilité des maisons d’édition dans la diffusion d’œuvres comportant des représentations problématiques.

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