Derrière le rideau des cinémas Dulac

Le réseau de cinémas parisiennes traverse une crise depuis le licenciement controversé du directeur du Reflet Médicis, révélant un management accusé d’être toxique.

L’univers feutré des salles de cinéma cache parfois une réalité plus sombre qu’il n’y paraît. Cela semble être le cas des cinémas Dulac regroupant l’Arlequin, l’Escurial, le Majestic Bastille, le Majestic Passy et le Reflet Médicis, tous situés à Paris.

Ce réseau de cinéphilie d’art et d’essai s’est retrouvé propulsé au-devant de l’actualité ces derniers jours, avec une description peu flatteuse. Sous la direction de Sophie Dulac, emblématique figure du septième art français, les cinémas sont accusés de pourrir la vie de leurs employés.

L’ambiance y est décrite, selon plusieurs enquêtes parues dans la presse récemment, comme « toxique », le climat qualifié de « terreur », et marqué par un harcèlement systématique des employés, dont la moitié a dû partir en quelques années, entre départs volontaires et licenciements.

Jean-Marc Zekri, l’étincelle qui a jeté le feu aux poudres

Cela concerne aussi bien les femmes de ménage, les projectionnistes, les caissiers, que les personnes assignées à des tâches administratives, comme au moins une adjointe à la direction et une chargée de communication, d’après les révélations du journal Le Monde.

Ironie du sort, c’est un licenciement qui a déclenché la polémique : celui de Jean-Marc Zekri, directeur historique du Reflet Médicis. Cet homme en poste depuis dix-huit ans a été remercié sans ménagement en avril dernier, à en croire de nombreux témoignages.

On lui reproche selon une lettre ouverte écrite par des personnalités du monde du cinéma en réaction ce licenciement, de « ne pas être capable de se démultiplier pour assurer les fonctions de directeur, caissier et projectionniste sans dépasser les 35 heures », d’« avoir manqué d’ubiquité en fermant mal le cinéma un soir où il n’était pas en service » ou, un autre jour, « en laissant le compagnon canin d’un de ses collègues maculer – toujours en son absence – la rouge moquette de l’une des salles ».

La passion sacrifiée rentabilité prime sur la passion

« Il vaudrait mieux en rire si ce n’était pas le nouvel épisode tragique et bien réel d’un management violent au service d’une logique économique mortifère qui gagne chaque jour du terrain », dénoncent les près de 300 signataires, faisant écho à une précédente affaire impliquant le licenciement controversé de trois jeunes employés.

Selon des sources consultées par Libération, le nouveau directeur du groupe Pierre-Édouard Vasseur impulse depuis fin 2021, une stratégie marketing « beaucoup plus affirmée », avec une « obsession » pour la vente de confiseries.

Dans un contexte économique tendu – le chiffre d’affaires de Dulac Cinémas a chuté de moitié entre 2019 et 2021 – cette approche ultra-commerciale crée un « climat de terreur » selon une vingtaine d’anciens et actuels salariés interrogés.

À cela s’ajoute un basculement conservateur dans la programmation de certaines œuvres. « C’est vrai qu’on a dû se séparer de certaines personnes ces derniers temps, mais c’est la vie d’une entreprise. Il y a des gens qui s’évertuent à penser que cela se passe mal chez moi. Au contraire, il y a des salariés qui sont là depuis des années, vingt ans pour certains. Et je reçois beaucoup de CV de gens qui veulent travailler avec nous », répond Sophie Dulac, réfutant les accusations, citée par Le Monde.

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